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"La Consolation"
Sépulture de Louis David à Andernos Les
Bains
Commande privée
pierre - 1931
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L'œuvre dans l'atelier du sculpteur
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L'élaboration du projet : de la commande à la
maquette
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Textes extraits de l'analyse de Jacqueline
Lalande Biscontin, "Raymond Delamarre
à Andernos les Bains" publié en
2003 aux Editions "Electa".
Cinq semaines après la disparition de Louis Théodore
David (Avocat à Bordeaux et à Paris, Maire d'Andernos
de 1900 à 1929, Conseiller régional et Sénateur),
le 10 janvier 1931 à l'âge de 75 ans, "Berthe
Louis David", sa veuve, prit contact à Paris avec
le sculpteur renommé Raymond Delamarre, le 17 février
1931. Elle lui demanda de réaliser la sépulture
de son époux, devant être placée dans le
parc de sa propriété privée, dite "Ignota".
L'œuvre, expédiée le 17 octobre à
Andernos, fut menée à bien, avec diligence, dans
la confiance mutuelle et la détermination réciproque
de l'artiste et de sa commanditaire...
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Des notes prises sur l'un de ces feuillets, nous apprenons
que Madame David s'adressa à ce sculpteur par l'intermédiaire
de l'architecte de jardins Fernand Duprat, avec qui il
travaillait souvent pour des fontaines. C'est en effet
à lui qu'il montra le dessin du projet envoyé
le 23 février suivant à Madame David, et
à qui il demanda d'aller sur place à Andernos
en mars, photographier le parc.
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Outre une première ébauche du sujet, une
femme drapée et trois autres petits croquis du
thème modifié, l'artiste trace l'ébauche
du bloc unique dans lequel il va opérer. L'idée
restera immuable jusqu'au bout, et les dimensions presque
identiques.
L'artiste distinguera toujours, dans son travail, le groupe
sculpté sorti de l'énorme bloc unique, et
le socle qui rejoindra l'œuvre directement à
Andernos.
Le sujet sera représenté par un groupe de
deux figures dont le sens symbolique est donné,
taillées dans un bloc unique.
Les figures symboliques : «Une pensée,
un symbole»
Dès leur première rencontre, le 17 février
1931, Madame David et le sculpteur Raymond Delamarre furent
d'accord sur le sujet d'une femme drapée devant
exprimer «Une pensée, un symbole»
attachés à la tombe de son époux
Louis David.
« L'idée directrice
c'est la Consolation, par l'évocation de l'oeuvre
de celui qu'on pleure, de ce qu'il a été,
et de ce qu'il a laissé »
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Les références antiques
L'inspiration antique dont chacune
des deux figures de ce groupe sculpté est en grande
partie issue, remonte à des prototypes gréco-romains
connus de l'artiste. Grand Prix de Rome en 1919, où
il séjourna jusqu'en 1924, il alla aussi à
Athènes. Durant cette période et plus tard
à Paris, il put copier les œuvres antiques
soit de visu, à Rome ou à Athènes,
soit d'après leurs moulages dont il en possédait
certains.
Mais ses modèles, qui empruntent aussi à
diverses sources stylistiques et chronologiques, comme
le Moyen Âge ou la Renaissance, sont proches également
de ceux néo-classiques de Canova (1757-1822) qu'il
put aussi voir à Rome et en Italie. Sa tombe aux
Frari de Venise, 1822-27, expose la figure du Deuil. Elle
sera reprise au cours du XIX' siècle par des sculpteurs
français et Raymond Delamarre lui-même, pour
d'autres tombes (de Saint-Martin-en-Ré). Par ailleurs,
l'effigie du couple, représentée par ce
groupe sculpté, remonte aussi à la tradition
des stèles grecques d'une part, puis des sépultures
étrusques, des stèles ou des sarcophages
romains exposant la Dextrarum junctio, mains
droites jointes du couple, debout ou vu en buste. D'une
manière générale, le rôle symbolique
des gestes des mains, spécifiques de ces monuments,
retrouve ici toute sa puissance d'expression et son originalité.
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Germania capta
Epoque Trajane
(Rome, Musée du Capitole)
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Métope du Parténon
par Jacques Carrey (estampe),
XVIIe siècle, Bibliothèque Nationale Paris
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Ombre voilée du Deuil, ou
la Douleur (la veuve), est un topos antique connu.
Elle récapitule en elle les caractères spécifiques
de deux modèles célèbres : la tristesse
de la tête penchée, figure assise, évoque
la fameuse Germania capta pleurante (Musée
du Capitole, Rome), dont une frise d'amazones blessées
du British Museum reprend le thème. La pose élégante
de cette figure assise sur le pied gauche de la jambe
repliée, l'autre jambe, parallèle à
la première, à demi pliée, pied appuyé
au sol, reprend celle du bas-relief non moins célèbre
du Lapithe vaincu par le centaure, d'une métope
du Parthénon (V' siècle av. J-C., Londres,
British Museum) figurant sur une série de dessins
du XVII' siècle, sur le sujet.
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"La Consolation" vue de dos
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Une variante de cette figure, le
Galate blessé du Louvre comme celui du
Capitole jouit d'une fortune considérable. Un grand
dessin de Raphaël pour la chambre d'Héliodore
(1511-1514), et de nombreuses peintures du XVI' siècle
et plus tard encore, en témoignent.
La « statue-colonne » de "La
Consolation" (le Défunt), associe
plusieurs modèles antiques.
La tunique ionienne tubulaire hiératique, bras
découverts, de style sévère traité
par des lignes brisées régulières,
s'inspire de l'Aurige de Delphes. Adoptée
sur les dessins, elle fut remplacée par une figure
portant un grand manteau à la manière de
la Niké à la patère d'Athènes.
La chevelure et l'encolure du vêtement sont traitées
à l'antique.
Le drapé à «pli mouillé»,
plus sensuel que le vêtement précédent,
est une technique particulière, épousant
les formes du corps sous le voile. Elle remonte aux Égyptiens
(XIII' siècle av. J.-C.) et fut développée
par les Grecs et les Romains.
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Aurige de Delphes
Ve siècle avant JC.
(Musée de Delphes)
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Niké à la patère
IVe siècle avant JC.
(Musée National d'Athènes)
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Ariane endormie
IIIe, IIe siècle avant JC.
Musée du Louvre
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L'Ariane endormie du Louvre se rapproche
par les formes suggérées et son vêtement,
de l'exécution finale de cette statue.
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L'effleurement subtil
de la main gauche sur celles jointes de
la Douleur s'affilie stylistiquement et
dramatiquement au bas-relief illustre d'Orphée
et Eurydice sur lequel la grâce
des gestes des mains qui passent d'une figure
à l'autre, forment une guirlande
qui les unit.
Bas Relief
d'Orphée et Eurydice, réplique
du Ier siècle avant JC, Musée
du Louvre.
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Jeune homme à la cage, Salamine
Ve siècle avant JC
Musée National d'Athènes
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Le geste de «Pietas»,
prière, paume droite ouverte, levée,
geste d'injonction céleste qui introduit
dans le silence, l'au-delà du destin, figure
exactement sur une stèle funéraire
grecque de Salamine, le Jeune homme à
la cage (Athènes).
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Delamarre
adopta les mêmes gestes pour une des
figures des Béatitudes (1931), "La
Miséricorde".
Dansla même série, "Les
Pleurs", figure debout, drapée,
est l'homologue de celle de la Douleur soudée
aux pieds de la Consolation.
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Cette analogie gestuelle de
"La Miséricorde"
et de "La Consolation",
survenue à peu de temps de distance, dans
un contexte totalement différent, n'est sans
doute pas insignifiante. Le lien attesté
des formes symboliques adoptées par l'artiste
pour la «voie sacrée» de l'amour
divin (la Miséricorde) d'une part, et pour
la voie profane de l'amour humain, dans ce contexte
de libre-pensée philosophique stoïcienne
de la commande d'autre part («Consolations»,
Sénèque) révèle peut-être,
consciemment ou non, l'unité profonde, pour
l'artiste, de leur ressemblance : la seconde voie,
qui en porte les mêmes signes, ne puise-t-elle
pas à la source de la première ? Paul
Valéry, dont il cisela la médaille,
n'écrivait-il pas peu avant 1931 : «Nous
allons sans les dieux / À la divinité
!» (Cantique des Colonnes dans
Charmes).
Le sculpteur, dans sa liberté, dans sa poésie
et dans la diversité de ses expériences
humaines, chrétiennes et de la libre-pensée,
expérimente dans sa sensibilité et
son intelligence l'intensité de ce mouvement
intérieur.
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Esquisse rapprochée (dessin Raymond
Delamarre 46,3 x 35 cm)
Collection Levard
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Des esquisses présentées
à la sculpture achevée, l'artiste resserra la
position du bras droit, exécuté abaissé
et plus ajusté au corps, de telle sorte que "La
Consolation" concentre sur elles deux la douleur,
contenue aux frontières de leur propre espace.
"La Douleur" (la veuve) au sol est
relevée par "La Consolation"
(puisée dans la valeur de l'époux) qui, à
l'instar de "La Miséricorde",
lui offre le pont de ses bras par où passe cette transfiguration
bienheureuse. Elle est son double lumineux (debout, yeux qui
voient, sourire pacifié) qui la transforme. La sobriété
du style sévère s'allie à la réserve
des sentiments retenus.
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«L'imposition» délicate
de la main gauche de l'une sur celles lovées de
l'autre, située sur la médiane géométrique
du groupe, constitue aussi son point énergétique
d'irradiation des forces. Contrastant avec la solide,
rigoureuse et simple géométrie orthogonale
du groupe, elle insuffle une fluidité plastique
et spirituelle parcourant toute l'œuvre, par le mouvement
des plis d'ombre et de lumière empreints de calme
et de sérénité.
L'artiste inspiré a célébré
magistralement et avec originalité par la dualité
de deux figures féminines symboliques de l'Ombre
(la Douleur voilée) et de la Lumière (la
Consolation, debout), celle, toute-puissante, de la dévotion
conjugale, la Pielas conjugii, à l'effigie dédoublée,
scellée dans la beauté épurée
de la pierre.
Dessin définitif (dessin Raymond Delamarre 46 x
33 cm)
Collection Levard
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L'œuvre en place, Madame David écrit
au sculpteur :
"... Excusez le retard que j'ai mis
à venir vous remercier de votre si belle œuvre. L'émotion
et une grande fatigue mentale sont seules cause de mon silence.
Oui, je suis très satisfaite de votre inspiration et de
votre travail qui répondent bien à ce que je désirais.
Du plus profond du cœur je vous dis encore merci. La pierre
a été aussi bien heureusement choisie, elle est
tout à fait vivante, par des aspects différents.
Par le soleil elle a des parties très brillantes, on dirait
des draperies parsemées de paillettes et la pluie lui donne
le joli ton rose que je désirais tant. Elle est placée
dans un joli cadre [...] car lui faisant face elle a une garniture
d'arbres dont les feuilles automnales ont des coloris les plus
invraisemblables. Votre praticien a dû vous le dire, c'est
un fort beau coin de parc. Je crois qu'il [son époux] doit
reposer heureux, il aimait les belles choses, c'est à quoi
je me suis employée et je vis dans la pensée qu'il
n'aurait pu mieux choisir..."
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In situ
Localisation : Andernos,
Propriété Ignota, aujourd'hui publique,
municipale, dite "Maison David",
depuis 1976 acquise de haute lutte grâce à Monsieur
Philippe Pérusat, maire actuel, lors de son premier mandat.
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Depuis l'ouverture du parc, l'œuvre a été
malheureusement mutilée (main droite levée
de la figure debout, nez complètement arasés).
"La Consolation"
dans le parc après restauration.
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Association
des Amis de Raymond Delamarre sculpteur |
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